Sous le cerisier flotte une épaisse odeur de fruits pourris, d’alcool sucré, dans l’excitation vrombissante des mouches et des guêpes. Au loin, des cloches sonnent à toute volée. Le chemin s’est perdu dans l’herbe. Soudain, ronces trouées. Là, un verger, les feuilles brûlent. Deux trois merles piquent le sol imprégné de sirop gâté, de pisse de brebis. L’ombre est grasse, moite. Y entrer pour se protéger du soleil, reviendrait à approcher la mort.
Alors marcher. Là-bas, les roches, abruptes, et la dentelle des peupliers. Fraîcheur d’un épais mur de pierres. Le visage bat la campagne, les yeux à vif. Mieux vaudrait pleurer que tout ce sel dégoulinant du front et sur la nuque, le dos, ou le poids des paroles avalées. Entendre le souffle des bêtes.
M’arrêter, enfin, ne plus bouger, dormir un peu, rêver, est-ce encore possible. Autour de moi, tout vibre. Ballet de sauterelles et de papillons dans les herbes sèches. Et toi, belle libellule, le sais-tu. Je ne te vois plus. Ton vol est brisé, magnifique. En quelle langue écris-tu, avec tes ailes bleues. Sous le cerisier, la nuit tombe. Toi, tu es la lumière.
texte et dessin ©JJM