Frisson de notes

Né d’une infranchissable distance, soudaine
faille ou béance, de l’étonnement, de la peur
et de la joie mêlées. Le reste, chute émaillée
de rebonds, d’envols inversés, oh, d’appels.

N’être qu’un essai, une aventure chaotique,
obsédé par l’à-pic au bout des doigts. Non,
juste une illusion, la présence en fuite d’un
halo d’ombre, de lumière et de douceur, oui.

Tenter, toujours, d’attraper au vol, mais quoi,
un rien, l’harmonie, le chant des astres, le cri
des arbres la nuit, quand le vent se tait, perdu.

Pour me rapprocher, oh, je vais si loin, si vite.
Habité par une voix et une mélodie, frisson de
notes, couleur. Je me repose parfois, là, tu sais.

31 10 16

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Les yeux rieurs

De l’apparence, faire fi, oh non. Du fond de la grotte,
voir tout là-haut danser les ombres, un ballet chinois,
miroiter le secret des fleurs et des montagnes. La mer
scintille à perte d’âme, noyée, le soleil brille toujours

et encore, rétines brûlées par la splendeur d’ici-bas.
Les mots recouvrent ce qui, profond, jamais ne luit
en pleine lumière. Alors dire et dire, oui, et se taire.
Accueillir le velouté d’une peau, l’écho des voix et

l’inépuisable charme des yeux rieurs, tulle nacré des
grâces de la chair. Alors, êtres et choses, les chemins,
les criques oubliées, les étendues de sable pur, et les

cris des oiseaux complices, tout se met à rire, même
le soleil, dedans, dehors. Fragile évanescence de nos
tentatives muettes, oh, masquées par le vain carnaval.

30 10 16

La migration des mots

Et toi, ou moi, collés aux mots,
qu’importe, je, tu, morcelés,
ne compte que ton regard, oh,

la lumière vacille, engloutie
par nos bouches, nos bouches
collées aux mots, légers, fluides,

à ceux qui flottent en eau claire
dans la lumière d’une chambre,
à ceux jamais prononcés, à peine

pensés, en plein vol incendiés,
je suis la migration des mots,
déjà lointains, et à venir, oui,

jamais les mots n’en ont fini avec
nous, ils sont la vie, et la peur, et
la joie, les corps enfouis, noués.

28 10 16

Voir, si simple…

Voir, si simple, énigme de l’errance et de l’effleurement.
Toucher des yeux, attendre, écarquiller. Oh, n’être alors
plus qu’un personnage d’étude, esquisse dans un carnet.
Dévoilement d’une intériorité, simple frisson du temps.

Ou reflet sans tain, dans l’atelier du rien, prendre la pose.
Dans le murmure de l’eau, voir, ne plus attendre. Oh, rien.
Prêt au silence, passer devant les arbres. Les blessures de
l’écorce chuchotent, palimpseste muet. Trembler de joie.

Sur les pavés bleus, glisser. N’être au centre de rien, dans
le soir évaporé. À l’écoute, il arrive que tout soit beau, oui.
Parfum mêlant grandeur et repli. Puissante fragilité. Tout,

absent, là. Alors partir, s’effacer, tout près, à se toucher, de
si loin, adieu. Se fondre dans la lumière, là ne pas renoncer,
avancer parmi les visages. Oh, la clarté est si douce tu sais.

28 10 16

De l’image, faire l’autre de soi…

De l’image, faire l’autre de soi. Dans le reflet
il se perd, âme, corps, méconnaissable écho.
À l’envers dans le regard autre, c’est bien soi,
surgi de l’étonnement d’une parole évanouie.

Et, rejeter l’écho, dire non, ce n’est pas moi.
Ai-je été entendu, m’as-tu écouté ou vu, pris
au sérieux. J’ai lancé des mots, en l’air. Puis
d’autres encore, plantés dans les arbres. Alors

j’ai dû me taire. Dans ma bouche tournait, oh,
non, ce n’est pas moi, ce moi n’est rien, voilà.
Je ne suis pas cela qui, écrasé, doit tout retenir,

sur le miroir glacé. Je suis ce point fuyant, moi
qui jamais ne fuis, parle, devant le regard autre.
Je l’ai cherché enfant, regard aimé, encore, là.

19 10 16

De sable, le silence…

De sable, le silence, de sable a comblé
ciel et mer, patelles gorgées, sable blanc,
bouche fermée, paupières serrées, la nuit,
sombres coques asphyxiées, roches noyées,

les poissons fuient dans les tourbillons de
sable d’or, des volcans marins, des flammes
de sable, oui, frangées d’algues calcinées,
des nuages de nacre, la tempête grondant

sous les vagues joyeuses, oh, côte léchée
par un soleil bondissant, un frais soleil
pris dans les aiguilles des pins, le chant

des moineaux, le murmure des agaves,
tu sais, la prière enfouie sous les galets,
ballottés par le sable des mots oubliés.

17 10 16