Lumière du jour

Étrangeté du temps, flèche, fleuve,
Sable, pluie, soleil dans le vent.
L’épée fend la rouille, bats-toi,
Ne fais pas semblant d’oublier.

Il perce ta poitrine, une fois, mille fois,
Ton cœur crie et tes yeux cherchent
Des yeux, dans la poussière, les nuages
Que d’une main, naïf, tu voudrais

Éloigner, effacer, balayer.
Flèche ou fleuve, tu fabriques
Une armure invisible, un bateau
De fortune, mais tu ne veux pas,

Tu ne veux pas, cauchemar du non.
Chagrins de l’enfant, de l’homme,
Couteaux de la tendresse, de l’amour,
Toi qui ne veux que joie, rire et danse.

Le temps raconte une autre histoire,
Si belle, un diadème de papier doré.
Tu voudrais rejoindre la forêt profonde,
Te perdre dans les chants nocturnes.

Dans les feuillages, sous la moisissure
Des millénaires, des villages enfouis.
Sous l’empreinte de pieds ensanglantés,
Dans l’épaisseur des guerres, des paradis.

Toujours tu es rattrapé, pris à la gorge.
Bats-toi, sois fort, fragile, ne ferme pas
Les yeux, ni les oreilles, ni les mains,
Ni ton cœur. Tu n’effaceras rien.

Images collées sur les pupilles,
Au creux des paumes, tatouées.
Oh, la peau, partout, dessus,
Dessous, la vie. Écoute la peau.

Elle parle de l’autre peau, tu sais,
De l’autre temps, caressé, magique.
De traces qu’un rien fait briller,
Hasard, pleine lune ou frisson.

Dans la chambre, à terre, livres,
Rêves en lambeaux, voyages
À inventer, fenêtres à ouvrir,
Parfum de larmes. Joie, espoir.

Sous une pile de partitions,
Sous toutes les musiques dont
Tu nourris ton corps, dans l’ombre
D’un visage, d’un puits de douceur,

Un oiseau, que tu aimeras toujours.
Une mouette, sur un marque-page
Orphelin, revenu de loin. Elle défie
Le temps, dans la lumière du jour.

28 09 17

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Le ressac

Le vent fera chanter les fenêtres. Les mouettes se délecteront de
Coquillages pris dans les filets, tandis que les petits chalutiers

Grinceront aux amarres. Sur le front de mer, le jour
Fraîchissant, les promeneurs se réfugieront dans les cafés

Animés. Ils pourront admirer, derrière les baies vitrées,
Le dernier soleil, les vagues rendues à leur patience infinie.

J’appellerai encore, je marcherai dans l’eau. Couché dans les oyats,
J’écouterai le ressac, les sirènes de cargos chargés de mystère.

24 09 17

Les étoiles

Les étoiles ne s’éteignent pas, fouillent les entrailles, le cœur.
Les yeux cherchent l’air, au fin fond de l’espace où, errants,

S’éparpillent les mots. Tes lèvres entrouvertes. Le vent cesse.
Un oiseau crie, caché dans les pins majestueux. Il s’envole.

Tu ris. La sève sur mes bras coule en fines veines d’ambre.
Là-bas, la plage, déserte, aux confins d’un soleil hésitant.

Une mouette se pose sur le sable mêlé de galets, fixe la mer.
Nous parlons, nous nous taisons. Un ciel florentin scintille.

23 09 17

Le bel été

Suivre le fleuve évaporé, les montagnes mauves.
Cailloux de lave, bois gris, sable incendié, rouge.

À Foum Zguid. Rejoindre la côte, l’océan furieux,
Le vent furieux, les oiseaux, les patientes falaises.

À l’abri d’une crique, plonger, confiant. Eau claire.
Nager voler, en soi, beauté, cyprès bleus d’Arizona.

Les nuages dissouts par la joie, les mains aimantes,
Et, accoudé au garde-corps, ta voix. Oh, quel bel été.

22 09 17

La marée

Tandis qu’autour de la fontaine, les grandes statues
Guettent, le soleil joue dans les acacias, et les mots

Se collent à mes paupières, à ma langue. Et je parle.
Comme ces fous dans la cour d’un asile, au profond

D’une forêt d’aubépines en fleurs, sur un banc. Oh,
Il fait si beau, je vais où je veux, te rejoins, heureux.

La marée forme des vasques de sable où se reflètent
Nos corps morcelés, dans l’eau captive. Soudain, de

Petits crabes translucides naissent des profondeurs,
Quand les vagues, après un long chemin jalonné de

Baleines, disparaissent dans la nacre, s’enfouissent
Au cœur de l’oubli, de nos regards étonnés et ravis.

21 09 17

Affronter

Forêt criblée de cris. Chants végétaux lancés aux
Étoiles. Bananiers, oiseaux bleus, acacias, nuages

De latérite. Affronter sans renier, joies ni chagrin.
Pluies à venir. Simplicité de l’amour et tendresse

Bafouée. Abandon des cœurs, des peaux, les yeux
Pleins de sel. Océan de mots. Nos visages apaisés.

21 09 17

Écho (3)

Trace, empreinte, écho. Voir au loin, mal. Appeler.
La voix hésite, se perd dans les aiguilles d’un grand
pin penché sur le bleu, dans l’espoir de la soif. Une
voile, un oiseau, l’air parfumé d’incertitude. Soleil.

Sur la rétine, des algues multicolores, des poissons
de roches se blottissent, de pâles anémones de mer.
Nébulosité des remous, puissance de l’histoire, cris,
et mémoire des écorces. Une cigale s’use à prévenir

le feu, scie rouillée du temps. Sur le sable un enfant
joue, coquillage à l’oreille, chante depuis mille ans.
La mort renonce. Traces de pieds nus, écume sèche.

Souffle des baleines, vagues molles, roches brûlées.
N’entendre que la houle claire au fond des poumons.
Oh, les yeux ouverts sous l’eau, je devine tes mains.

20 09 17

Narguer le ciel

Une libellule immobile. Oh, pas de mensonge.
La vie ou rien. Tendresse infinie. Une coquille

Collée sur une fleur. Un escargot tête d’épingle
Défie l’espace, le temps, pour une fleur. Un jour,

Il s’envolera. Son rêve, tu sais. Narguer le ciel,
Être un puits d’amour, à l’ombre d’un cyprès.

18 09 17

Effleurer

De tes yeux, il ne reste que l’insondable puits.
Tes pupilles, scintillantes de malice, de gaieté.

Aussi noires, hélas, qu’émouvantes. Entrevues,
Sitôt perdues. De ce reflet dessin ferait l’affaire.

Il n’y a d’autre à voir que profonde apparence.
Pinceau japonais, effleurer le papier, chercher.

17 09 17

Istanbul

Ce matin, j’ai revu Istanbul.
Le soleil rouge, sanguine posée
Sur le Bosphore, éclats d’or et
Poussière du jour finissant,

Cinq minarets, et des oiseaux,
Figés, en plein vol vers la nuit.
Des mouches ont tacheté le ciel,
Dans le silence d’une salle d’attente.

Mon corps s’étonne d’être si pâle,
Ou bien est-ce le mur où s’affichent
Des conseils, pour éviter je ne sais
Quel affolement cellulaire.

J’ai revu Istanbul, où je
Ne mettrai jamais les pieds.
Pourtant, je pourrais décrire
Les bateaux, les coupoles,

Mieux qu’aucun voyageur.
C’est beau, sous le néon.
Couleurs fanées, traces du
Soleil sous un voile d’histoire,

Comme si le passé de la ville
Imprégnait ma peau. J’entends
Les chevaux des envahisseurs,
Les cris du peuple en armes, et

Soudain tout s’anime, tu m’appelles.
J’ouvre les yeux. Étrange voix.
Je me lève, j’ouvre la fenêtre.
Le café fume. Tout là-bas, Istanbul.

16 09 17