Histoire

Ton rêve de printemps, Sésostris, quand les tamaris / Et les acacias embaument l’air le long du fleuve. Tu / Cueilles de lourdes grappes jaunes, un panier rempli. / Quel fut-il. Est-ce mon rêve du tien. Ou le khamsin.

L’eau du grand Nil, dans un tourbillon, noie ma nuit, / Non la pierre éclatée de ton visage royal. Bourrasque / De l’hiver, les cyprès troublent ma mémoire. Où est / Ton corps de marbre. Oh, le silence est-il ton linceul.

Et Méréret, l’amour. Le rêve se joue du crâne fendu, / Et du Nil. Je vois tes yeux, ton nez, ta bouche. Et tu / Cries, tu appelles, tant de siècles. Au fond du fleuve.

Les oiseaux sont là, les nuages de Haute-Nubie et la / Poussière, l’espoir, la vie. Souviens-toi. Oui, ta reine / Aime toujours le silence, si beau quand le fleuve dort.

Photos : Grand-Rond, 15/12/20, 17:35 ; Tête féminine, Togo, XXe s., coll. privée, 07/07/20, 14:15 ; Ounennéfer et les dieux d’Abydos, règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), 19e dynastie, Louvre, 20/07/20, 10:27 ; Rêve de Haute-Nubie, extrait (in La Boussole des rêves, éd. Le Chat polaire, 2020)

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L’abîme

Sait-on quel abîme se cache

Sous la peau, non, l’inverse.

La profondeur de la surface.

Ce ne sont que mots creux,

Pour dire le vertige, le vent.

Oh, voit-on l’épaisseur vive

Des cicatrices de l’émotion,

La douceur des yeux brûlés.

Photos : Colonnes, passage du Louvre, 09/11/19, 08:53 ; Tête de femme, 1930, Germaine Richier, m. d’Art moderne, Paris, 21/07/20, 11:51 ; Bouddha, bibliothèque du musée Guimet, Paris, 23/07/20, 12:13 ; impromptu ©JJM

Le Rêve

Le rêve ne s’embarrasse pas

D’une logique de pacotille

Il ne respecte rien et bricole,

Faisant de rebuts son festin.

Tout se plie à ses lubies, et

Sa mise en scène chaotique

Prête à rire ou à pleurer. Oh,

Hurler à la mort et à l’amour.

Photos : Cloître des Augustins, Toulouse : Gargouilles, 13/04/19, 15:25/26, et Pivoines, 13/04/19, 15:34, 14/04/19, 17:40 ; Attique, Palais des Tuileries avant l’incendie, Statue, Louvre, 09/11/19, 09:48, impromptu ©JJM

Miracle

Que crains-tu d’un miracle.

Prisonnier, tu n’y crois pas.

Riante est la rue, gai soleil,

Magie. L’histoire t’assaille,

Les façades se rient de toi.

Tu plonges dans le mystère

Du temps. Être là, au cœur

Du volcan, accueillir le feu.

Photos : Façade rue de Rivoli, Paris, 09/11/19, 10:23 ; La Comédie, drapée, Jardin des Tuileries, 1874, J. Roux, 26/07/20, 17:44, et Vétrurie, ou Le Silence, ou Vestale, 1695, P. Legros II, 25/07/20 17:04 ; impromptu, ©JJM

« Considero valore tutte ferite »

Blessure n’est pas leçon de

Vie, mais la joie la lumière

Le chant la danse et le rire.

Blessure ne s’efface jamais.

Qu’importe, si joie et chant,

Rire et lumière, si la danse,

La caressent, l’aiment. Oh,

Consolation, apaise le vie.

« Considero valore tutte ferite », Valeur, Œuvre sur l’eau, Erri de Luca (Poésie Seghers)

Photos : Garonne, 20 12 20 15h52 ; Dorothea Lange, Japan Child with Tag, Hayward, California, 8 mai 1942, et Child living in Oklahoma City shack-town, août 36, m. Du Jeu de Paume, Paris, 30 10 18 15h05/14 ; Statue, Jardin Borghese, Rome, 23 08 18 14h50 ; impromptu JJM

Le possible

Çà et là, les mots fusent, en coulisse on s’agite. / Scène, salle confondues, et partout des acteurs. / Texte infini, mais le temps est compté. Amour. / Phèdre parle. Hamlet est fou. Oh, Lucia meurt.

Rideau de sang, entre le jour et la nuit, dans un / Combat inégal, une joute tragique, destin béant. / Tout est possible, et la minute à venir ouvre sur / La douceur des corps offerts mais libres. Force.

Les costumes orientent les regards et les mains / Se tendent, les paroles sonnent. Oh l’entre-deux / Délivre son secret. La malédiction est un leurre.

Voyage imminent. La mer est là, qui attend. Elle / Miroite pour qui ne ferme les yeux. Du profond, / Jaillit, volcanique, le désir de beauté. Ton visage.

Photos : Colonnes, passage du Louvre, 01/03/18, 10:26 ; Statue, Louvre, 09/04/17, 13:43 ; Reflet, Palais de Tokyo, 06/04/17, 18:06 ; Statue, Cour carrée du Louvre, 07/06/17, 17:26 ; sonnet ©JJM

Ridicule

Mieux vaudrait rire de tout.

Le réel ne ferait grise mine

Que les jours de grand vent.

Fermer les fenêtres suffirait,

Pour sauvegarder le ridicule.

Sous mon lit, Samsa Gregor

Se moquerait de ce moi qui,

Le matin, me colle à la peau.

Photos : Fenêtres, musée Picasso, Paris, 26/10/16, 09:53 ; Tête de Lapithe, art grec, v. 447-440 av. J.-C., Louvre, 20/07/20, 11:44 ; Sculpture féminine, A. Bourdelle, MIB, Montauban, 02/02/20, 14:52 ; impromptu ©JJM

Douceur

La douceur est une victoire

Sur soi, lutte au fil des cris

De la nature et des anges,

Fourbus de tant de haine.

Oh, demeure en ton cœur

Ce qui ouvre la bouche et

Fait trembler les chevaux,

Dans les champs de coton.

Photos : Angelots, place Olivier, Tlse, 01/08/19, 16:39 ; Masque de la Danse sacrée, 1905, V. Segoffin, Orsay, Paris, 26/07/19, 15:22 ; Tête de Cheval, étude pour Guernica ,1937, Pablo Picasso, m. des Abattoirs, Tlse, 01/08/19, 14:54 ; impromptu ©JJM

Lignes de fuite

Saurai-je un jour voir, ce qui doit l’être,

Dans le dédale des lignes, visage offert,

Signes diffus. Je perds ce qui, du temps,

Persiste en fuyant et naissant n’est plus.

Photos : Train, « Goulag, Une Histoire soviétique », Arte, 2/3, 18/02/20, 18:32 ; A. Bourdelle, L’Éloquence et la Victoire, 1913-18, m. Bourdelle, Paris, 18/07/20, 14:10 ; extrait, sonnet (La Boussole des Rêves, éd. Le Chat polaire, 2020)

Mythe

Le rêve ne s’embarrasse de rien,

La nuit malaxe le temps sidéré,

Le corps met en scène l’univers,

Le mythe est l’enfance de l’art.

Oh parfums entêtants, couleurs

Trop vives, paroles de myrrhe,

Temple des forêts, sous un ciel

Où se confondent soleil et joie.

Photos : Chapiteau médiéval, m. des Augustins, Tlse, 03/02/19, 15:49 : Palmiers, San Carlos de la Rápita, España, 12/08/17, 16:36 ; Tête Wicar, anonyme, Italie, XVIIe, 26/07/18, 11:43 ; impromptu, ©JJM