Le Cri

Jamais cri ne fuse du tréfonds

S’il ne gît cru, cœur du corps

Écorché, de l’intérieur à vif,

Volant ainsi nu aigle affolé,

Flèche d’autan sur la peau

Avilie, traversant un vide

Abyssal, aveuglant appel,

Explosion de vie, plein ciel.

Photos : Arbre, 23/03/13, 17:24 ; Ratto du Proserpina, Bernini, Galerie Borghese, Rome, 23/08/18, 16:07 ; San Sebastian, España, 18/08/14, 16:33 ; impromptu ©JJM

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Embruns

Aurai-je donc toujours été

Sur le départ dès l’arrivée,

Sur le qui-vive, alerté par

L’imminence d’une faille,

Imaginaire gouffre du sens,

De visages, vierges rivages,

D’une réalité flottant dans

L’air du large, les embruns.

Photos : Rio Tagus, Sète, 19 07 14 12h35 ; Reflets, Cathédrale St-Étienne, Tlse, 17/02/16, 17:05 et 16/03/16, 17:07 ; impromptu ©JJM

Reflets

Ainsi, de reflet en reflet,

N’ai-je su que me perdre,

Ou bien me suis-je tenu,

Aimant ce qui, fuyant,

Transforme l’inquiétude

En voyage intérieur, au

Cœur des choses, tu sais,

En n’y cherchant que toi.

Photos : Colonnes, Louvre, 09 11 10 08 h53 ; Garonne 28 03 21 15h49 ; Jardin Villa Borghese 23 08 18 17h28 ; impromptu ©JJM

De l’Être la fêlure

Les mots sont le sang. La main s’étonne, / Trace de quoi tisser un fil, retenir la vie.

En chemin vers la clôture du gouffre, / De la fêlure, parer la plaie de l’être, / L’abîme du soi où le soleil s’égare.

Creuser, racler, donner voix et lumière à / Ce qui gît profond. Échouer sur un rivage / rocheux, à l’ombre de grands pins, libre.

La main écrit sur l’eau le temps de l’exil. / Vers où, nul ne sait. Suivre les lignes brisées, / Elles font surgir ce qui n’existe plus, caché,

Secret, rejeté. La main s’empare du vide, /dessine deux visages, pour qui, le sais-tu.

Photos(s) : Ontologie sauvage III, du 14/03 au 29/03/21 ©JJM

L’Abandon

Le brouillard n’y est pour rien, la neige ni le froid. / Pourquoi faut-il toujours quitter l’ici sans ailleurs. / Ne vois-tu que le sillage est effacé, Grec antique, / Les yeux crevés. Non, dessous, la douceur, la joie

Trépignent. Un rien suffit, mot ou pas et s’en aller. / Les paroles s’égarent. Au cœur des reflets, la lune / S’affole, le tamtam des âmes crie, le chagrin use / La peau. Le temps blesse le ciel, et la vie résiste.

Je te vois, n’y crois pas, tu te caches. Où, jamais / Ne l’ai su. J’arrive, mon visage est rongé. La rue / Est illuminée. L’abandon est une route escarpée.

Tais-toi, cherche un mot, un seul, et là, tiens-toi. / Insondable est le cœur. Le profond chante et fuit, / Tremble au bout du doigt, se souvient du fil d’or.

Photos : Reflets sur façade, Canal du Midi, Toulouse, 11/10/14, 16:55 ; Sarcophage paléochrétien dit du Comte de Toulouse Guillaume Taillefer, fin IVe-Ve s. ap. J-C., basilique Saint-Sernin, Tlse, 28/03/21, 16:22, sonnet ©JJM

Musique 2

Peinture, musique, dessin vivant, mots perdus. / Visage effacé, la peau, une silhouette absente,

Chair évaporée. Lumière du soir, le ciel est si / Paisible. Tout renaît, je contemple un mirage,

Te touche, te sculpte. Oh, jamais ne disparaît / Ta splendeur, dans l’ombre d’élégantes grues.

Photos : Grues, paravent à deux volets, Maruyama Okyo, milieu époque d’Edo, fin du XVIIIe s., m. Guimet, 07 04 17 12h09 ; musique, Duesenberg Carl Carlton, 25 07 15 10h45 ; Buste féminin, m. Jacquemart-André, 08 04 17 10h58; texte ©JJM

La Musique 1

Porte fermée, oh, fermée, je n’ai de l’être / Vu que les remous profonds, ne suis plus / Ni dedans, ni dehors, et ils m’ont échappé, / Laissant au creux des mains je ne sais quoi,

L’attente, non, l’illusion du possible, non, / La joie de l’inconnu et le puits de tes yeux. / Il reste la musique, elle se moque du refus, / De l’abîme, des falaises de craie, du soleil.

Photos : Paravent à six volets, Kano Sansetsu, Huit vues de la Xiao t de lz Xiang, début époque d’Edo, première moitié du XVIIe s., musée Guimet, 07/04/17, 12:11 ; musique, 27/10/16, 19:33 ; Tête féminine, musée Guimet, 07/04/17, 11:42 ; texte (extrait de « Il reste le ciel », La Boussole des rêves, éd. Le chat polaire, 2020) ©JJM

La Banquise

Banquise nue, soleil gelé. Espoir d’une fleur,

D’une libellule. Volonté vide, sans lumière.

Sans la sève des arbres ni l’éclat de nos yeux,

Ni la douceur des corps, abandonnée des dieux.

Photos : Briques, Cathédrale St-Étienne, Tlse, 27/06/15 ,19:24 ; Porte vitrée 27/12/15, 07:40 ; « Jeune fille debout se cachant le visage avec ses mains », 1911, Egon Schiele, expo Beaubourg, 29/10/18, 19:43, quatrain ©JJM

Le Griot

Oui, je cours ci et là. Figuier, statue, genêt.

Jamais, crie le griot accroché à mon bras,

Jamais, crie le griot, l’amour ne s’éteindra.

La nuit est claire, et volent les mots étonnés.

Photos : Briques d’un porche, cloître des Augustins, Tlse, 22 07 18 16h45 ; Reflet(s), 15 07 15 12h21 ; Titus, affiche de La Clémence de Titus, 06 06 18 14h09 ; quatrain ©JJM