I
Ville du bout du monde, lui échappe, oh, où qu’elle soit,
entre mer et montagne, lac, plaine. Ville infinie, fleuve,
destination dans la brume du temps. Un nom, un destin,
nul retour, inaccessible, partout déjà là, ville des départs.
Horizon, tu sais, ville née du corps, des caresses, visage.
Ville musique, rêverie d’amour chantée au point du jour,
qui serait Saigon sans être Saigon, ville puits, source, toi.
Elle n’existe que pour cela. Peau effleurée du désir, ville
frontière. Sur un bras de mer, à la croisée des histoires.
Ville de l’incessant éloignement. L’impossible souvenir
d’un halo d’utopie. Voyage au fond des yeux, au creux
des mains tendues, lorsque sont dressés les chevaux de
l’inquiétude, apaisés, tapant du sabot pour parcourir les
chemins du vent. Ville du bout du monde, ville inondée.
II
Je me souviens de Saigon, triste de n’y être jamais allé.
J’ai sillonné Lomé, où tu n’étais pas. Je m’essaie à des
destinations imaginaires. Facile, je sais, mais non fuite,
jamais. Je plonge, écarquille les yeux. Algues et roches
où nous cachons nos peurs. Oh, je vois Saigon et Lomé.
Il suffit d’un rien. Souvenir d’un petit serpent vert dans
le toit de ma case, en Somalie, si beau, la vie est fragile.
De là, tu sais, je file sur le fleuve en furie des entrailles
en feu. Dans l’eau percée de troncs arrachés, de petites
tortues tètent nos bras et nos rires. Fleuve né du silence
peut-être, du ciel désespérément bleu, de la nuit étoilée
près de Foum Zguid, au pied des cimes mauves. Saigon.
Oh, l’Asie, ce rêve des yeux clos, dont je ne reviens pas,
ou très tard dans la nuit, assommé de vent marin. J’irai.
12 09 16. Inachevé 135