Spéléo

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La nuit, parfois, je dors, pris à contre-pied, après coup étonné d’avoir basculé dans le vide, laminé par quelque émotion devenue montagne. J’aime la montagne, et je me dis cela, pour me retrouver chez moi, user l’angoisse en la taxant d’artifice et de leurre. Si leurre il y a, c’est bien dans ce bricolage. Je ne suis même pas dupe, la montagne en question est un gouffre, une galerie, et moi, la spéléo, non.

Pourtant, il y a sûrement des peintures de l’époque où, enfant, je couvrais les murs, les draps et l’oreiller d’images folles mêlant la mort et les rires. La plage, l’école et les chagrins. Plus tard badigeonnés de combats, de victoires simulées, d’étreintes à étouffer, de plaisirs et de joies, dans la caresse d’un corps de rêve. Rien ne s’efface, paysages, chansons, regards tant aimés. Alors, une nuit, je m’y risquerai.

Parfois, lassé d’une lecture flottante, je m’endors. Le livre tombe, sur d’autres, à terre. Au réveil, un sentiment bizarre me colle à la peau, d’avoir un temps abandonné la ville qui est sous mon lit, elle aussi bricolée. Une myriade de bouts de rues, de places, de cafés, aux terrasses desquels j’ai vécu ou raté mille aventures, où j’ai discuté des heures avec une foule de personnages peints sur le champ.

J’y ai même enlacé une inconnue. Comme ça, tendrement, en pleine insomnie. Merci, merci. Une belle ville, en somme, enfin, je ne sais pas, mais le matin, j’ai dans mes bras le souvenir d’une présence, au bord des lèvres sa douceur. Voilà pourquoi, si je dors, ce n’est que d’un œil, on ne sait jamais, non, jamais.

©JJM