Voir un sourire

Voir un sourire et son reflet dans l’eau. Tu y vas un peu fort, me dis-je. Qu’importe. L’esprit s’aventure à chercher au loin ce qui, secrètement, l’anime. Intime propension, souvent tue. Y a-t-il un mot pour dire cette qualité, cette couleur, cette émotion. Pourtant, dit Merleau-Ponty, le langage est « la doublure de l’être » (La Prose du monde). Me revient ce que dit Lucia di Lammermoor. Folie pénétrée de justesse et d’espoir. C’est d’au-delà qu’elle parle, que Maria fait vibrer dans les corps : « La vie sera un sourire du ciel clément ». Oh, ce futur qui transcende tout, pour atteindre les cimes où l’âme, oui, rejoint les animaux transis, mais vivants.

Garonne, Toulouse, 09/01/16, 17:44 ©JJM

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La Boussole des rêves

C’est avec joie que je vous informe de la parution de mon recueil La Boussole des rêves, aux Éditions Le chat polaire.

Dans cet ensemble de trente-neuf textes, le rêve a des sources diverses, antiques, esthétiques, intimes, au cœur d’une réalité qui résiste au désir, voire blesse l’enfant comme l’adulte. Un tiraillement poétique surgit, entre songe et réalité, révélant un lien émotionnel aux choses, aux êtres. Alors de grands rêves se logent dans la musique des mots, amour, visage, aventure, voyage, que le chagrin menace mais ne détruit jamais. Ils ont aussi leurs figures tutélaires, en douze dessins ornant la rosace d’une boussole, seul viatique. Un chœur s’en mêle, antique ou africain, oh !

Le livre à peine sorti, Lionel-Édouard Martin propose déjà, sur son blog littéraire, une approche à la fois personnelle et fidèle du recueil ; je l’en remercie vivement ! Ici :

Le situation est difficile, vous le savez, vous la vivez. Rencontres, salons, événements divers sont annulés, quant aux librairies… Et c’est aussi délicat et risqué pour les éditeurs ; je remercie beaucoup l’équipe du Chat polaire, jeune maison belge, dirigée par Marie Tafforeau. Si certains d’entre vous sont intéressés, il est possible, et facile, de passer commande directement sur le site des éditions, ici :

https://www.lechatpolaire.com/2020/10/la-boussole-des-reves-jean-jacques.html

Sinon, bien entendu, il est toujours possible de passer par une librairie indépendante.

N’hésitez pas à diffuser auprès des personnes susceptibles d’être intéressées…

Merci, et prenez soin de vous !

Ciel !

Voir le ciel. Le ciel, où, me dis-je, chancelant. Être dans les nuages, hors aéroplane égaré, revient souvent à toucher le réel au cœur. Oh, cœur. Phèdre le sait, qui rougit et pâlit dès qu’Hippolyte entre…, mais ceci est une autre histoire. Quoique. Le ciel aussi manifeste à sa façon sa joie, son amour du jour. Van Ruysdael avait raison, traquant les coups de soleil, pinceau précis, pour caresser les nuages, et Django, malin, a fait danser Phèdre, tu vois.

Garonne, Toulouse, 21/04/14, 15:53 ©JJM

Lumière

Voir, Lumière. Ne pas fermer les yeux, se laisser emporter.

Quelques mots de François Cheng :

Vraie Lumière,

Celle qui jaillit de la Nuit ;

Et vraie Nuit,

Celle d’où jaillit la Lumière.

La vraie gloire est ici ; Garonne, Toulouse, 11/11/16, 18:16 ©JJM

D’un René l’autre, la nuit

Voir, d’un René l’autre, la nuit. Un romantique dort moi, me dis-je, écho d’une passion vive. Pour Chateaubriand, « le vague des passions » nourrit notre désir, insatisfait, nos émotions face au ciel, à la nuit, qui les révèlent. Question de sens, et de sens. « Je ne sais ce que le ciel me réserve, et s’il a voulu m’avertir que les orages accompagneraient partout mes pas. L’ordre était donné pour le départ de la flotte ; déjà plusieurs vaisseaux avaient appareillé au baisser du soleil ; je m’étais arrangé pour passer la dernière nuit à terre, afin d’écrire ma lettre d’adieux à Amélie », pense René.

Interroger le ciel, tourmenté ou serein, rayé d’oiseaux dont les Grecs scrutaient le vol, et à Rome, pour décider. Guerre et paix. Pour René, l’autre, ciel intérieur. « Dans la nuit du 3 au 4 mai 1968 la foudre que j’avais si souvent regardée avec envie dans le ciel éclata dans ma tête, m’offrant sur un fond de ténèbres propres à moi le visage aérien de l’éclair emprunté à l’orage le plus matériel qui fût » (Le nu perdu). Oh, l’univers, ce miroir augural.

Garonne, 07/11/16, 19:02 ©JJM

Lire

Voir une vitrine ensoleillée et… oh, un disciple de Thalès. Immense Thalès, parti en Égypte, comprend l’arpentage après décrue du Nil, invente la géométrie pure. La légende veut que, dit Platon (Théétète), admirant les astres pour « sauver les phénomènes », il tomba dans un puits, faisant rire une petite servante de Thrace. Réaliste, elle n’avait pas tort, c’est ridicule. Toutefois, dit Aristote (La Politique, I), les gens se moquant de sa science inutile, il put, grâce à elle, prévoir une belle récolte d’olives et « parvint, avec le peu de biens qu’il avait, à verser les arrhes pour prendre à ferme tous les pressoirs à huile de Milet et de Chios ». Le moment venu, il fit fortune en les sous-louant à tous, montrant « qu’il est facile aux philosophes de s’enrichir s’ils le veulent, mais que ce n’est pas de cela qu’ils se souciaient ». Thalès, pour qui « l’eau est le principe de toute chose », ainsi premier philosophe pour Nietzsche (Naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque), monte haut pour lire le ciel. Le risque pris en lisant, est  de s’élever et… d’y rester, me dis-je. Vive la petite servante de Thrace qui, en chaque lecteur, veille, joyeuse.

Lire, vitrine, Toulouse, 28/05/17, 16:24 ©JJM

Les Invisibles

Voir, halluciné, cet être, invisible dès je me retourne. « Tout ce qui nous entoure… a sur nous… des effets rapides, surprenants et inexplicables », dit Maupassant. « Je m’éveille, affolé, couvert de sueur. J’allume une bougie. Je suis seul […] Cette nuit, j’ai senti quelqu’un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre ses lèvres.[…] Je suis perdu ! Quelqu’un possède mon âme et la gouverne ! […] Donc les Invisibles existent ! […] C’est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces folies ! Il est en moi, il devient mon âme, je le tuerai ! […] Je ne me vis pas dans ma glace !… Elle était claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n’était pas dedans… et j’étais en face, moi !». Gogol aussi m’a voir l’abîme. « Il m’est arrivé aujourd’hui une aventure étrange », me dis-je. Kant dit bien que nous sommes sur un fil, entre génie et folie, et Nietzsche danse dessus.

Double, 05/10/16, 06:09 ©JJM

Voir, loin devant

Voir, loin devant. Rêver, donc. Pour cela, me dis-je, reprends À l’ombre des jeunes filles en fleurs (Folio 36) : « Parfois à ma fenêtre, dans l’hôtel de Balbec, le matin quand Françoise défaisait les couvertures qui cachaient la lumière, le soir quand j’attendais le moment de partir avec Saint-Loup, il m’était arrivé, grâce à un effet de soleil, de prendre une partie plus sombre de la mer pour une côte éloignée, ou de regarder avec joie une zone bleue et fluide sans savoir si elle appartenait à la mer ou au ciel. » Marcel Proust, Noms de pays : le pays.

Hendaye, 13/08/14, 16:55 ©JJM

Ombres émouvantes

Voir, ne pas toujours croire. Je rêvassais devant la baie frangée de lumières, front de mer désert. Et j’ai compris ce qui ne laissait pas de me tarauder. Si la prudence exige « de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés », dit Descartes, reste à savoir quand jouir des sens. Mettre en danger ma vie, mon être, jamais. Sauf que j’aime quand l’illusion m’élève, me nourrit. Mon être s’étend jusqu’au ciel…, et là, j’ai senti un frôlement, imperceptible. C’était beau, apaisant.

« Il faut de temps en temps que nous nous reposions de nous-mêmes, en nous regardant de haut, avec le lointain de l’art », dit Nietzsche. L’art montre, « dans la nature et dans l’esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience », ajoute Bergson. Ah, ces ombres émouvantes qui passent existent bel et bien, et moi j’essaie.

San Sebastian, 22/07/16, 00:11, ©JJM

Icare nous sauve

Voir, s’approcher, s’approcher encore. Oh, Icare ne savait pas que « le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement »… Oui, mais la grande passion l’exige, me dis-je, c’est risqué, mais… Alors Icare dit à La Rochefoucauld, le citant, « nous ne croyons pas aisément ce qui est au-delà de ce que nous voyons », alors tomber, peut-être, mais « petitesse d’esprit », jamais, « car… ». Diderot approuve, pour qui « les passions amorties dégradent les hommes extraordinaires. La contrainte anéantit la grandeur et l’énergie de la nature. Voyez cet arbre ; c’est au luxe de ses branches que vous devez la fraîcheur et l’étendue de ses ombres »… Icare nous sauve. « Toute personne qui tombe a des ailes », dit Ingeborg Bachmann.

Grand-Rond, Toulouse, 03/09/17,18:20 ©JJM