Le Manque

Atteindre sans ruine de la démesure ce / Que les yeux cherchent en vain au-delà / Des arbres sous le vent, rivés à la roche / Que la houle malmène depuis toujours.

Ne rien regretter hors douceur gâchée, / Les peurs de l’enfance, nuits blessées, / Tête sous l’oreiller. Le paysage s’ouvre. / Tu veux croire ciel visage, les espaces

Vierges, œil nu. Fouler terre de beauté, / Oubli de soi. Aimerai-je les vagues, ta / Voix ta bouche. Tenir l’essentiel sans

Complaisance. Dans un regard le vide, / Et de ce vide le manque. Garder espoir / De moins errer, manque vissé au corps.

Photos : Personnage, bas-reliefs, déambulatoire, abside du chœur, basilique Saint-Sernin, Toulouse, 05/06/21, 16:18, sonnet 95 wip ©JJM

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Ailleurs

L’inépuisable grâce lave la saleté / Du jour. Ventre noué à la fenêtre, / Dans les cyprès, furie de l’autan. / Tourterelle immobile. De la buée

Sur la vitre, danse des arbres fous. / Qui chante, je ne vois rien. La joie / Chasse la nuit, Satie, ”Je te veux”. / Ciel tendu, un visage sous la pluie.

Noblesse, où suis-je, pays Massaï, / Vache mufle haut. Bougainvillées / De Dakar soudain, puissant océan.

L’ailleurs est là, j’en tremble, rêve / De lointain, douce latérite, concert / D’oiseaux dans le chaos de ma vie.

Photo : Homme debout, époque gallo-romaine, pierre, MIB, Montauban, 02/02/10, 16:49, sonnet 94 wip ©JJM

Vent d’Est

Vent d’Est, Atlantique Méditerranée / Pris en tenaille, colonnes d’Hercule, / Mémoire du ciel profondément bleu. / Tanger, console-moi, port, abrite les

Rêves, soleil, nulle bataille à mener. / L’être tire sa force des lauriers roses, / Du jasmin, des orangers. Murmurent / Dattiers et eucalyptus sur la colline.

Que voir hors beauté des pins du cap, / Des rochers, moutons d’écume ornés / De laminaires échevelées, vent d’est.

Lui, jaloux de la splendeur du détroit / D’un coup s’apaise. La baie miroite. / Au fond des yeux mirage d’Espagne.

Photos : Hôtel Continental, Tanger, mai 2005, sonnet 93 ©JJM

Les Oyats

Tout bascule la rue où est-elle, la porte / Ne s’ouvre pas y a-t-il un côté. Silence. / Je ne vois pas d’autre côté je vais sortir, / Esprit de la forêt des vivants des morts.

Parler, prends ton temps souffle continu / Nu, arrête. Est-ce en toi toi qui n’es pas / Ou si peu. Alors plonge nulle part vas-y. / L’arrière-monde, invention de mon âme. 

Flottent des silhouettes, oui non, cachées / Dans les oyats, tu reconnais, beau soleil. / Je ne rêve pas, cachées, j’aime les oyats.

Des êtres libérés de tout. Ils chantent, le / Sable brille. Oh quel vent l’océan titube. / Danser sans retour, sinon l’esprit, la rue.

Photo : Silhouette, 09/10/14, 06:38, Sonnet 92 ©JJM

Le Puits

Dans l’arrière-salle des rêves l’origine, / Commencement ni fin au fond du puits. / Ferme les yeux, tout est dedans dehors, / Vie et mort à chaque main, sur le sable.

Fait brut. Alors admire les images, pose / Un doux regard sur les toiles de maître, / Étonnement, peur, joie, espoir emmêlés / Ni là, ni ailleurs. Personnages lointains.

Plage, bateaux au port, cafés, guirlandes, / Guerre, violence de la foule et des âmes. / Un enfant tire à lui visages, ciels, fleurs.

Au matin le lit défait, eau noire du puits. / La beauté s’y réfugie, ne la cherche pas. / Ouvre le volet, laisse-la venir au soleil.

Photo : Pietà, Cathédrale Saint-Étienne, Toulouse, 07/05/21, 17:16, sonnet 91 ©JJM

L’Abeille

Une abeille s’entête à vouloir / Rejoindre le vent les arbres et / Les fleurs. Oh, quelles fleurs / Dis-moi, n’est-ce pas mirage.

La vitre lisse douce, l’abeille / Est prête à piquer mourir non, / Traverser s’envoler vers l’azur, / Briller corbeilles emplies d’or.

Faut-il sa colère et son effroi / Faut-il son désespoir chagrin / Son amour, et défier le destin.

La fenêtre s’ouvre, l’air frais / Plus doux encore t’emporte si / Loin. Libre tu pourras danser.

Photo : Ornement, Basilique Saint-Pierre de Rome, 21/08/18, 15:58, sonnet 90 ©JJM

Le Balafon

Oh Senghor, préserver la “nudité limpide / Des prétemps“, la souplesse des pêcheurs. / Vivre l’embrasement des passions, “feux / De brousse la nuit“, dans le poto-poto de

Ma vie. Chaude n’est la pluie, ni cyprès / Flamboyants. J’ai vu papayers filaos et / Bougainvillées à grappes sanguines, et / Le manguier le baobab nu. J’ai palabré

Avec lions et gazelles, osselet béni dans / La bouche, chanté la terre rouge du soir / Au bord du gouffre, vu flamands, combat

De buffles poussiéreux, suivi le soleil du / Visage pirogue, voulu nager cœur balafon / Ardent roulant sur un ponton vers la forêt.

Photo : Vieux pêcheur africain, marbre noir, IIIe-IVe s., art romain, m. Saint-Raymond, Toulouse, 03/08/18, 16:59, sonnet 89 ©JJM

Le Papillon

N’as-tu jamais blessé personne, ton corps / Brûle, ta pensée flotte. Ta colère s’écrase / Sur la roche. Coques et oursins se gavent / De riens. Toi, pour qui l’amour est phare,

Tu es aveuglé par les émotions, le séisme / De l’ombre. Nage plonge dessine au fond / Dans la poussière millénaire des abysses. / Tu échoues au cœur du doute et de la joie.

Là est la forêt. Les esprits furtifs donnent / Aux feuilles l’éclat du diamant. Le soleil, / Partout. Le sang est si chaud, sous tes pas

La mousse crépite comme de la neige. Un / Parfum connu de toi, et tu vois virevolter / Le papillon de ses mains, beauté sauvage.

Photos : Statue, Parc de la Villa Borghese, 23/8/18, 17:26, sonnet 88 ©JJM