Sur le trottoir ensanglanté, soleil couchant, les ombres se mêlent en un ballet. Rejoindre la fraîcheur des quais, assister au naufrage des ponts. Des mouettes criaillent, posées sur l’eau, une bouée jaune, rouge. La péniche-restaurant vire, accoste. Flot de shorts, de tongs, de jupes. D’étranges langues sont fixées pour l’éternité. Vite, une terrasse. Le livre sort du sac, nargue l’air. Il suffit de l’ouvrir, de plonger, ciel blanc. Des phrases coulent sur la table. Est-ce ta voix. Un verre tombe, du soda gicle.
Cris, applaudissements, porte-bonheur. Le livre pleure et rit. Ritsos s’amuse. Sur scène, des monologues lancés au monde. Phèdre dit, Je t’ai fait appeler, Je ne sais pas par où commencer. Paroles d’un ailleurs inaccessible. Villes fortifiées, montagnes. Mystère. Est-ce ta voix, J’attends que la nuit tombe. Une fille s’assoit, commande un café. Le livre bâille, ma bière scintille. Je t’ai fait venir. Était-ce hier, il y a huit jours. Le temps bu, soleil caché, tout est plus simple, dit-on. Entre deux eaux, les visages tanguent. La lumière finissante inonde le quai, mes yeux s’accrochent à des riens.
Pourquoi l’a-t-elle fait appeler, que va-t-elle dire. Les derniers rayons incendient la matière, les idées. La fille écrit une carte postale. Est-ce ta voix. Je suis là, vas-y. La nuit est là, te taire est impossible. Le chœur entonne un chant rugueux, pleurs, incantations diverses, cendres sur la tête et mains au ciel. Je ferme le livre, Phèdre allume une cigarette. Mes tempes battent, mes doigts tremblent. Fleuve étoilé. J’ai toute la vie. Attendre, que nos ombres s’ouvrent. Phèdre observe le livre. J’entends ses mots. Oui. Elle le prend, l’ouvre. Ta voix se réfugie dans la sienne, Je t’ai fait appeler, Je ne sais pas par où commencer.
texte et dessin ©JJM