I
Au pied du banian, l’ombre épaisse, moucharabieh
de lianes, de l’apparence le buste, bloc de Carrare,
tourné vers ailleurs, absent de blancheur. Alcarazas
d’un destin fluide que le vent chaud glace d’effroi.
Visage lisse de statue, antonyme de marbre lucide.
Je vis de branche en branche au rythme des erreurs,
des fautes, dans le lacis des incertitudes, des espoirs
ligneux, de joies, de chagrins, feuilles agacées par le
soleil. Racines infinies. La nuit, elles flottent dans un
air paisible, doux. La terre, légère, console des peines
excessives. Je m’élève autant que je peux. J’approche
la cime, tente d’apercevoir de l’amour le cœur, forme
parfaite, la plus belle illusion. Je m’enfonce jusqu’aux
radicelles de mon enfance, volcan de parole dénudée.
II
Énigme des vents contraires, bruissement des échos du
lointain, mon banian est la mémoire du monde. Je reste
là, dans l’orbe des saisons, à l’écoute des riens, des cris,
des arômes de ta peau accrochés aux nuages, des éclats
de rire. Je suis prêt à bondir, sur quoi, oh, sur le moindre
souffle, la musique des vivants. Chanter avec les oiseaux
réfugiés dans l’embrouillamini de mes pensées végétales.
Dessiner sur l’écorce les exigences de mon corps, graver,
de mes os, le tressaillement nocturne. Le jour, je retrouve
le buste de l’apparence. J’observe la place, rêve de te voir
surgir au coin de la rue. Ce n’est qu’un rêve, je sais. Mais,
on ne peut pas tout avoir. Parfois, oh, je m’agrippe, racine
aérienne, pour atteindre une branche haute, aussi puissante
que la mer. J’attends. Toujours passe un voilier, une île nue.
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