Sans la nuit, que serais-je. Cette question m’a tenu en l’air. La lévitation est d’une simplicité enfantine.
Autant peut être le réveil noir, pénible, — moi balloté dans les remous d’une angoisse serpentine, disloqué au gré d’agacements réflexes enfouis dans les muscles, le sexe, poumons exaspérés, cœur ratant les degrés d’une échelle de cambouis, bras au ciel, dans le droit fil d’une virée insensée au tréfonds du cerveau, mêlant époques, peurs, joies, pleurs, voix anciennes —, m’abandonnant en plein brouillard de kapok, ou sirocco, haletant, éructant, lâchant mots et noms inconnus, tenant au collet le drap pris pour un rhinolophe, couverture déchirée par les tressauts du destin, — autant l’idée d’une petite lévitation impromptue, tentant de résister aux vains tourbillons de bile, me sort-elle presque d’affaire.
Tempête enfin battue, membres harassés, crâne bercé d’un air amabile. La fenêtre, décor essentiel de mon théâtre d’ombres, ouvre sur ce que le jour étouffe et nie. Le contact du drap se dissout. Mon esprit folâtre se met à sautiller ici et là, imitant les daphnies, si sensibles à la lumière. Je nage ainsi au hasard des apparitions, des envies, des courants d’eau intérieurs. J’explore de ma vie le bazar, libre et léger, déjouant les pièges. Sur mon radeau, je traverse les mers, longeant des côtes métaphysiques, déchiquetées, blanches d’écume, des langues de sable. Enfant j’aimais l’épique, l’aventureux, et ces rimes qui font la vie aimable, sur l’oreiller salé.
©JJM