« Il n’est rien si beau et légitime que de faire l’homme et dûment, ni science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie ; et de nos maladies la plus sauvage, c’est mépriser notre être. »
Ne crains pas d’arracher ta langue, si dans ta main / La pluie perce la peau. Si les mots t’abandonnent, / Si le sol coule, personne n’y peut rien. Elle flotte / Au milieu des ruines. Alors, laisse-toi aller au gré
Du silence meurtri, entre mur blanc et porte close. / Souviens-toi du rêve ultime. Tu as avalé tes mots. / Des pas furtifs, un regard fuit et tu suis une ombre. / Tu suffoques. D’autres repousseront dans ta gorge.
Ne crains rien, ils sont engloutis par le fleuve. Oh, / Mon corps brûle. De mes doigts, de mes cheveux, / De mon ventre des flammes éclairent livres et lit.
Elles caressent mes jambes. La pluie fine coule sur / Mon visage. Le feu, l’eau, mon crâne s’ouvre enfin. / Dans la douceur du matin glisse un nuage de cendre.
Oh, force et faiblesse des mots, hérauts de l’esprit. / Sans eux perdu, parmi les choses et centre de rien. / Sans lieu nulle part, sauvé par l’errance innommée / Qu’esquisse un trait. Roche, arbres et corps peints.
Les mots ouvrent sur eux-mêmes. Ils dessinent ce / Qui surgit ici et là, étang, forêt, oiseaux, reflets. / Monde parfumé, festin des yeux, ouverts sur, oui, / D’autres yeux. Que visent-ils, d’autres êtres et toi
Visage, puits, source. Le temps joue avec l’espace, / Le tord. Il me perdent, mais sans eux je ne suis rien, / Et sans te voir me sais perdu. Le fleuve coule enfin
Dans un tourbillon de Turner, fixe le moment où je / Te devine sur une eau moirée, toi ne te sachant vue. / Sur l’eau, cœur de la vie, dis-moi de qui s’annonce.