Te rappelles-tu nos Afriques nocturnes. Oh, feux de latérite sous les grands flamboyants, musique des marchés de brousse, tamtam des corps enluminés, et les forêts percées de fleuves invisibles. Jamais ne cesse, au fond des yeux écarquillés, le jeu des masques, noire Venise, ni la palpitation des seins sous les doigts.
Au bord des pistes, oui, d’immenses falaises. Dans le silence des rivières, des plateaux, au bout de pontons rongés d’histoire, devant une porte entrouverte, seule la patience lutte contre l’incendie des forêts que fuient les animaux.
À la fenêtre, les nuages s’étirent en lames d’arc-en-ciel, pour apaiser les nuits, les corps à l’affût. Te rappelles-tu ces nuits de palabre et l’univers joyeux. Tu évoquais l’Italie, Turin, où nous attendaient d’autres Afriques.
texte et dessin (duo Piero della Francesca, Battista Sforza, 1455, M. des Offices, Florence, et Ibedji Yoruba, Bénin ; pierre noire, mine de plomb et graphite, 23/01/20) ©JJM