Le Nautilus

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Un trou parfois se creuse, plein ciel. Foule sur le Pont-Neuf. De loin, mouches ou fourmis, guêpes agglutinées sur un melon pourri. Je jette une goutte de miel sur la journée gâchée. En bouche l’amertume des oranges. J’avale cul-sec, prêt à dérouler le rituel couplet anti-moi, ce pique-assiette. Non, un homme s’est paraît-il jeté au fleuve. Le bruit court sur le parapet. Vagues de bribes. Tout habillé, une valise à la main. Une femme dit, Attachée à son poignet. Je pousse, me penche. Remplie de quoi, pierres, livres, photos ou quoi. Qu’y mettrais-je. Une vie, dans une valise. La vie. Je ne vois rien. Chacun tente de voir, bras, tête, main.

La vedette des pompiers tourne autour des piles. J’y mettrais, ne sais pas. Un homme crie. Il a vu, croit avoir vu, est sûr, quoi, la valise éventrée. Là, juste là. Ça fait dans les, une femme dit, dix mètres. Elle flotte au ras de l’eau, vague bouche, vide, un appel, s’ouvre et se ferme, ballotte, hésite. Rien à dire. Des casques s’activent sur le quai, que faire. Des canards filent vers l’autre rive, s’envolent. Bouteilles et canettes, entre deux eaux, au milieu de branchages auréolés de crasse. Des nuages coiffent l’Hôtel-Dieu. Je pense à l’eau glauque, suis en colère. Je n’aime pas la colère. Bien sûr, l’enfant surgit. Grand plongeon dans la baignoire, quelle joie. Je vois un bras, une bague rubis, ongles vernis, le crin. Pourquoi sortir, je viens à peine de, non.

La mort va attendre. Rêver, nager encore un peu. L’île n’est pas loin. Je ferme les yeux, sous l’eau. Le bracelet n’est pas d’accord, non, tu sors. Oh, l’or des pirates, saborder, et couler l’ennemi. Le Nautilus s’enfonce, devant les yeux globuleux de bestioles affolées. Je frappe l’eau, éclabousse. Par vagues argentées, requins, je crie. Sous l’eau c’est bien, on crie dedans, c’est mou. Les sons viennent d’une autre planète, peut-être. On s’égosille, un cri de défi, d’amour. Tu l’entends, c’est sûr. Un cri, non, une caresse. Le pont est désert. Pourtant, j’ai vu, et entendu. Je longe le parapet, rejoins l’herbe, l’autre rive. Ne voir que le ciel, la cimes des arbres, voilà. Une main pâle sort de l’eau. C’est un papillon.

texte et dessin ©JJM

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