Ah, rire de tout. De soi, des oripeaux, des leurres, des grimages, des peurs. Du corps et du silence. Mais pas du ruisseau bordé de jeune mousse, qu’un pied maladroit détache de la roche noire, — palpitant de gaieté dans les reflets de l’eau qui file vers les lacs, vers l’océan. Rire de tout sauf du mépris, si prompt devant le faible.
Rire de sa propre faiblesse, sauf du combat de l’être à l’ombre des sous-bois. Rire de tout sauf des fous, des enfants, des amants, pressés de se jeter dans les bras, dans l’abîme, dans le vent des tempêtes, ne voyant que des îles où pointent au ras de l’eau des rochers, des écueils. Rire de tout. Ah, libre et joyeux, danser devant la mort, rire, non des morts, mais de la mort, du sérieux et de la vanité.
Ni moquerie, ni orgueil, ni envie. Dressé contre le vent putride, dont ne veut pas l’humus au délicat parfum. Humus où perce la girole, et non pourriture qui pue et tue, se délecte de couardise et de violence fanatique. Rire de tout, sauf des arbres, des statues blessées et des fleuves, de la journée qui s’ouvre. En un regard naïf accueillir la timide beauté. Et se taire.
texte et dessin (Louvre, graphite et pierre noire, 29/11/19) ©JJM