Comment l’oiseau fait-il, pour tout accueillir au fond de ses yeux ronds, laisser entrer l’herbe ou le blé, les brindilles de vie et de mort, l’ombre des feuilles où reclus se cache le monde, surgissant au moindre souffle, entre les branches agacées par la brise ou secouées par l’autan. Et le si délicat papillon, malgré ses ailes immenses, surgi d’une palette italienne, pour ne faire qu’un avec la fleur, le ciel, le ruisseau et le vent. Mais dès qu’un trou est percé, par où s’invite l’immensité du dehors, inépuisable torrent, toujours dehors, on se tient sur le seuil, gardien d’un puits ensablé.
Tout commence et prend fin, les images se pressent, et les mots, les rires, les peurs, indescriptible éboulis qui serpente autour des os, flotte comme linge sur le fil d’un jour l’autre, illusion qu’un rien arrache et laisse pendre. Non, pas rien, jamais. Une présence, visage, corps, entaille dans la plénitude des choses ; et, bouleversé, happé, soudain nager pleine mer.
Ivre d’espace vierge, l’oiseau vole et chante, à faire basculer le ciel dans le vide. Les regards, eux, cherchent où aller, où se poser, s’apaiser, il n’y a plus de lieu, hors un point à l’horizon. Tout chancèle. Ah, aimer, il suffit de s’arrêter, de respirer, de se taire, de marcher, d’écouter. Ta main tremble, les doigts tissent un fil doré. Je t’entends fredonner un air de Billie, It had to be you.
texte et dessin ©JJM