La nuit est un petit voyage en mer, en montagne. Nul ne sait où elle mène, par le bout des yeux, des oreilles. Ville ou désert. Les rêves ne sont rien, d’un cinéaste saoul, comparés à cette trituration du temps, dans la pénombre et le silence de la chambre. L’espace ondule. Respiration de joie, d’inquiétude. Râles contenus, soupirs, apnées.
Une voiture passe. Des talons claquent. Paroles étouffées. Un moustique, un bruit de sommier, les hoquets d’un tuyau donnent un coup de fouet au cours des drames, des comédies. Tragique bricolé au fil tordu des aléas, au surgissement des paysages, colline rayée de vignes, méandre sec au fond de gorges, temple et cascade, forêt trouée de cris, jetée de bois dans le brouillard, lac et fleuve, noyés dans l’obscurité d’un port, plage ensoleillée.
J’y reconnais certains lieux, visages, tableaux, et nos voix. J’y suis importun ou attendu. La nuit se peuple ainsi de regards, de rires, d’appels, de pleurs, de chants. Souvent, à l’aube, le volet est entrouvert. Dans un cyprès, le merle du quartier reprend avec brio cette bamboche exotique.
©JJM