L’hésitation des ombres

Oh, cet entre-deux du chien et du loup,
hésitation des ombres, voiles traversées
de vents contraires, dans l’engloutissement
d’un soleil fourbu, naissant à l’autre bout

du ciel écrasé. La mer s’absente un temps.
Huîtres, patelles et coques ferment boutique.
Les rues sont plus étroites, les cœurs battent,
parfois. Résister, à quoi. L’entre-deux, prélude

au terme absolu, à la nécessité d’écarquiller
les yeux pour s’orienter, viser l’unique étoile.
Éviter la chute au puits sec, le bruit mat du
crâne sur le fond osseux. Tombe d’un jour,

d’un jour éreinté, entraînant avec lui la nuit.
Robe noire dans la pâleur d’une lune gibeuse.
Le rivage s’estompe, cimes des pins diluées
dans l’encre céleste. En montagne, nuages

et bêtes à l’abri, collés aux roches, ou serrées
sur une paille pisseuse. Le monde chuchote
dans les cyprès. Moment si délicat, tu sais,
où les rideaux s’écartent. On est au milieu

de rien, nu comme un alexandrin de papier,
quand la scène est vide, le décor figé. Plus
personne, masques à terre. Malades reclus,
lèvres mangées, les yeux perdus. Demain.

Que sera la nuit. Vite, lumière, musique et,
oui, des lampes clignotent, lucioles de rue.
Timide, il y a ce je ne sais quoi de parfumé.
La découpe des toits, en plein ciel, s’orne de

guirlandes indiscrètes, les fenêtres s’égayent.
Mutation de l’entre-deux. Des pas joyeux,
sur le trottoir, des voix fraîches s’appellent.
C’est délicat, profond. Dans le sillage des

êtres, un parfum de beauté, les mots fuient
en tout sens. En coulisse, on s’agite, scène
et salle confondues, les acteurs sont partout.
Phèdre va parler, enfin. Un rideau de sang

sépare le jour et la nuit, après un combat
inégal, une joute amoureuse et tragique.
Tout est possible, alors. La minute à venir
ouvre sur la douceur des corps abandonnés.

03 06 16. Inachevé 7

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