Sous le ciel d’un Giotto craquelé, mer bleue,
les statues marchent vers la ville, vêtues d’or.
Reflets de couloirs gris, le marbre vit, ondule.
Chambre éclatée, aux quatre coins de la nuit.
L’air est dilaté, le lieu disloqué, ocre jaune.
Les sons se répandent en pulsations nacrées.
Des bruits de pas clouent les tympans à vif.
La musique des corps m’envahit, m’emporte.
Que se passe-t-il. Rien. J’ai beau tourner la tête,
personne ne sait ce qui arrive, ni ce qui repart.
Les visages sont penchés sur ce qu’ils cachent
au fond d’eux-mêmes, à l’affût, prêt à bondir.
Des paysages d’Afrique, d’Amérique, d’Asie.
Canyons, villages brûlés, séquoias, lacs gelés.
Temples couverts de lianes, fleuves asséchés.
Un puits perdu au cœur des dunes, rouge sang.
Un chameau tombé dedans, la bouche étonnée,
drame de la solitude, terme d’un pointillé de pas.
Poursuivre sa route, tracée au hasard, sans fin.
Peut-être y a-t-il un village, une tente, un tapis.
Dans la rue, un couple s’éloigne. Un avion raye
la vitre. Vers où. Les astres ne se couchent pas.
Il faut que je dorme. La fièvre ronge mes os.
Les banquettes avachies sentent le café froid,
aéroport de Nairobi. Attendre, encore attendre.
Où es-tu. Ma vie se passe à guetter le parfum
de ton corps, les yeux fermés. Voilà. J’entends
les mots doux se poser sur les hautes futaies,
où les oiseaux nichent. Filaos, bougainvilliers.
Il n’a pas plu depuis longtemps, ciel de Giotto.
Sur la valise à roulettes, autocollants d’hôtels
de seconde zone. Florence, Madrid ou Tanger.
Chez moi. Sable, latérite ou marbre de Carrare.
Je me lève. Les hauts-parleurs diffusent un écho
de tamtam, de flûte, de guitare. Incantations
d’un chœur de vieillards. La terre tremble sous
les troncs creux habités de divinités rongées
de sel. Le soleil perce un nuage métaphysique.
Les femmes dansent et chantent. Au creux de
leurs mains, Giotto a peint des étoiles. Amour.
24 04 16. Épiphanies 75