L’arbre est fendu, cime cassée par la foudre,
surpris dans son sommeil. L’orage de la nuit
ne respecte rien, ni les roches, ni les brebis,
ni les toits, ni les enfants, il affole et détruit.
Les torrents gorgés submergent les racines
à vif, l’arbre meurt. Il abritait de ses branches
hautes et basses, depuis des lustres, hélas,
nids et course folle des écureuils, brouillard
et rêves accrochés aux plus fines ramures.
Il est entaillé jusqu’au sol, l’humus saigne.
Quelle hache faudrait-il pour telle besogne,
la sève épaisse coule en longues traînées
jaunâtres, frangées d’imprudentes fourmis.
L’écorce déjà fuit le tronc, le soleil craquèle
le bois griffé, l’arbre a l’air étonné des morts
surpris d’avoir été choisis, alors que l’avenir
souriait, pour quitter les lieux, plus de lieux,
plus de saisons, plus rien. Que peut éprouver
un arbre au moment où l’éclair cisaille l’air.
Tout tremble, les troupeaux apeurés courent
en tout sens. L’arbre est si majestueux, nul
ne peut l’abattre, hors une épée de lumière.
Fermant les yeux, tandis que la pluie dévale
la rue et file vers le Canal, pourquoi l’image
de cet arbre, vu il y a des années, s’est-elle
imposée à moi. Je me revois courant, jetant
mon piolet, m’abritant dans un trou, réalise
que je n’en suis jamais sorti, de cet orage.
Je protégeais mon visage, dérisoire parade,
et quand le tonnerre a éclaté, l’arbre a crié,
un long cri. Une cathédrale s’est effondrée,
oui, je l’entends résonner dans mon crâne.
06 03 16. Épiphanies 20